Titres-restaurant : la nécessaire réforme d’un dispositif obsolète
Publié le 19/02/2025
«Titres-restaurant : la nécessaire réforme d’un dispositif obsolète»
Alors que le Sénat a voté la prolongation jusqu’en 2026 de l’utilisation des titres restaurants pour tous les achats alimentaires, y compris en grande surface, il devient urgent de réformer en profondeur ce dispositif, estiment Louis de Fautereau, Cédric Leblanc et Catherine Coupet.
Louis de Fautereau et Cédric Leblanc sont les fondateurs de l’Atout et Catherine Coupet est la fondatrice d’Openeat, des entreprises dans le secteur du titre-restaurant.
L'histoire des titres-restaurants
Si, en créant les titres-restaurant en 1967, le gouvernement de l’époque avait imaginé que 50 ans plus tard, ils seraient au cœur d’une amende record de 414 millions d’euros pour entente illicite ou parfois détournés pour des achats aussi insolites que de la nourriture pour chiens ou de la drogue dissimulée dans des colis Uber, il y a fort à parier qu’il soutiendrait la réforme que nous réclamons pour ce dispositif devenu nécessaire au tissu économique local et au pouvoir d’achat des Français !
En effet, s’il apparaît évident qu’ils sont une aide essentielle pour bon nombre de nos compatriotes dans leur vie quotidienne, il est clair qu’entre scandales financiers et usages absurdes, le système des titres-restaurant mérite une réforme à la hauteur de ses dérives. Voici un petit retour historique sur ces fameux talismans.
Les titres-restaurant ont été créés en 1967 pour répondre au manque de cantines dans de nombreuses entreprises, offrant aux salariés un moyen de se restaurer pendant leur pause déjeuner. Conçus comme un dispositif fiscalement avantageux, ils permettaient aux employeurs de soutenir leurs salariés tout en bénéficiant d’exonérations sociales. Et cela a bien fonctionné. Ce système a rapidement dynamisé le secteur de la restauration et soutenu le pouvoir d’achat. Il est devenu un compagnon du quotidien pour des millions de travailleurs, et a su évoluer avec son temps. Initialement distribués sous forme de chèques papier, ils se sont modernisés avec la dématérialisation depuis 2014. Modèle unique en France, les titres-restaurant restent un pilier de la politique sociale, mais nécessitent aujourd’hui une réforme pour corriger leurs dérives.
Les titres-restaurant sont bien plus qu’un simple avantage social
Les titres-restaurant sont bien plus qu’un simple avantage social : ils représentent un outil vital pour soutenir le pouvoir d’achat des salariés et dynamiser le commerce local. En ces temps d’inflation galopante et de pression économique, leur rôle est crucial, tant pour les employés que pour les commerçants. Pourtant, les titres-restaurant sont aujourd’hui menacés par deux dangers majeurs : la réduction de leur champ d’utilisation dans les grandes surfaces et des commissions élevées prélevées aux restaurateurs par les opérateurs historiques qui contrôlent 99% de ce juteux marché.
Les titres-restaurant avaient pour vocation de soutenir les salariés et de favoriser l’accès à des repas de qualité, tout en stimulant l’économie locale. Aujourd’hui, les opérateurs qui gèrent ce système dévient de cette mission initiale.
Les titres-restaurant permettent à des millions de salariés français de profiter d’un complément de revenu utilisable au quotidien. Selon une étude de l’Observatoire Cetelem, près de 90 % des bénéficiaires considèrent les titres-restaurant comme indispensables pour boucler leur budget alimentaire. Cet avantage contribue directement à soulager les foyers face à la hausse des prix alimentaires, de 12 % en un an selon l’Insee.
Réduire ou limiter leur utilisation dans les grandes surfaces aurait donc constitué une erreur économique et sociale. En effet, les supermarchés représentent un point d’accès majeur à des produits de première nécessité, notamment pour les familles modestes et les salariés habitant en zones rurales où les restaurants ne sont pas toujours accessibles. Plutôt que de restreindre cet usage, il conviendrait de renforcer la liberté d’utilisation des titres-restaurant pour en maximiser l’impact sur le pouvoir d’achat. Il est donc normal qu’ils puissent continuer à être utilisés pour les courses alimentaires du quotidien.
L'impact des titres-restaurants pour les commerçants
Pour les restaurateurs, boulangeries et autres commerces alimentaires, les titres-restaurant représentent une part significative de leur chiffre d’affaires. Selon la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), les titres-restaurant constituent jusqu’à 15 % des recettes de certains restaurateurs. Ce système agit comme un levier économique puissant, en incitant les salariés à dépenser localement, ce qui soutient les commerces de proximité.
Pourtant, ce mécanisme est aujourd’hui fragilisé par des commissions prélevées par les opérateurs traditionnels (en moyenne 4 % à 5 %, et parfois jusqu’à 7 %), qui pèsent lourdement sur les marges des commerçants. Dans un contexte qui les contraint à des hausses de charges et à des difficultés croissantes, ces commissions apparaissent injustifiées et excessives.
Historiquement, les titres-restaurant avaient pour vocation de soutenir les salariés et de favoriser l’accès à des repas de qualité, tout en stimulant l’économie locale. Aujourd’hui, les opérateurs qui gèrent ce système dévient de cette mission initiale. Les commissions élevées prélevées sur chaque transaction ne correspondent plus à la valeur ajoutée réelle apportée par ces intermédiaires, dans un monde où les systèmes de paiement numériques ont massivement réduit les coûts opérationnels. Il devient urgent de ramener ces commissions à un niveau raisonnable, afin de garantir l’équité du système, et d’endiguer la hausse du nombre de restaurateurs refusant désormais les cartes restaurant.
Fragiliser les titres-restaurant, que ce soit par des restrictions d’utilisation ou des commissions excessives, reviendrait à fragiliser l’ensemble du tissu économique et social.
Si les grands réseaux de paiements tels que Visa ou Mastercard pouvaient librement fixer des taux de commissions interbancaires (l’interchange) pour les cartes de titres-restaurant - à la condition exclusive que l’émetteur de titre-restaurant ne prenne plus de commission directe - nous pourrions significativement faire baisser les commissions (probablement autour de 2.5%) tout en garantissant aux nouveaux acteurs un mode de rémunération pérenne. D’autres solutions, s’appuyant sur la carte bancaire du salarié, moins coûteuses à opérer, permettent également de faire profiter les commerçants de commissions faibles.
Comment préserver les titres-restaurants ?
Favoriser un cadre permettant aux nouveaux émetteurs de proposer des alternatives serait non seulement un geste de justice économique, mais également une manière de préserver la philosophie du titre-restaurant. Cela permettrait de redonner du souffle aux restaurateurs et commerçants, tout en garantissant aux salariés une utilisation optimale de cet avantage.
C’est pourquoi de nouveaux acteurs comme l’Atout, Worklife ou Openeat ont fait le choix de ne pas facturer de commission aux restaurateurs et leur business model ne dépend pas de ces commissions. Favoriser la concurrence dans ce secteur dominé par quatre acteurs historiques est une bonne manière de soutenir toute la filière avec des solutions innovantes et respectueuses de leurs marges.
Face à ces enjeux, il est de la responsabilité des pouvoirs publics et des acteurs économiques de protéger ce système bénéfique pour tous. Les signataires de cette tribune demandent au gouvernement d’instaurer un cadre réglementaire clair pour faciliter l’émergence de nouveaux acteurs et encourager une plus grande transparence de la part des opérateurs. Par ailleurs, les entreprises elles-mêmes ont intérêt à défendre un usage élargi des titres-restaurant, car ils constituent un atout important dans leur politique de rémunération globale.
Les titres-restaurant sont un vecteur essentiel de solidarité économique et sociale. Les fragiliser, que ce soit par des restrictions d’utilisation ou des commissions excessives, reviendrait à fragiliser l’ensemble du tissu économique et social. Il est donc impératif de garantir leur pérennité, tout en rééquilibrant les rapports entre opérateurs, commerçants et salariés, pour que ce système continue de bénéficier à tous.
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